La perception imprudente

Il fait nuit. Le monde est sombre, une nuit noire. Vous êtes endormi. Votre cœur bat. Vos poumons filtrent l'oxygène. Les sons vous pénètrent inconsciemment. Vous percevez des odeurs qui vous picotent. Vous sentez la chaleur de vos couvertures.
Les sens humains sont si élémentaires. Souvent, nous ne nous rendons même pas compte qu'ils nous guident dans le monde. Nous voyons chaque instant, mais nous nous en rendons à peine compte. Nous entendons à chaque instant, mais nous nous en rendons à peine compte. Nous sentons à chaque instant, mais nous nous en rendons à peine compte.
Nous ressentons, mais nous nous en rendons à peine compte. Tout ce que nous faisons est presque négligé. Nous sommes plus occupés par des notions de gain d'argent que par la réalité de la vie quotidienne : sans voir, nous nous cognons contre le mur, sans entendre, nous ne savons pas dans quelle direction aller, sans sentir, nous brûlons au soleil, sans...
Les poumons se forment au cours des quatre premières semaines du développement embryonnaire. La peau se développe à partir de la même structure cellulaire. Les poumons et la peau ont plus en commun que ce que l'on croit. Les yeux = voir. Les oreilles = écouter. Poumons = respirer. La peau = sentir.

 

Au toucher

Judith D. van Meeuwen, organisatrice de l'exposition Kunsthal KAdE, Amersfoort, a rédigé l'avant-propos :
"L'homme a une mauvaise vue, une mauvaise odorat, une ouïe déficiente, un mauvais goût et un sens du toucher tout à fait abominable. La mère du personnage biblique Jacob avait confectionné des manches avec la peau de deux boucs, que Jacob avait enfilées sur ses bras, trompant ainsi son père aveugle, qui pensait bénir son fils aîné Ésaü en lui accordant les droits d'aînesse. Un bel exemple précoce de notre capacité sous-développée à toucher. (...) Les photographies de Ron Jagers reflètent ces deux systèmes tactiles. Elle touche le système émotionnel, non pas de manière tangible, mais par le biais de la vision. Les "faits" décrits, les lieux, les personnes et les situations évoquent un monde fort, parfois révolu. Mais plus encore, les photographies sont une empreinte de l'insula postérieure de l'artiste, imprégnée de ce toucher pur et socialement contraignant, sans fioritures.